Travailler pas du tout, pour gagner autre chose

Le 1er mai sent bon comme un dimanche, résonne comme un dimanche, possède la lumière du dimanche, sa fraîcheur silencieuse, son rythme paresseux que l'on savoure sans une once de scrupule, et avec un sourire en coin.

Rien ne bouge, aucun bruit n'interrompt le chant des merles moqueurs, les rues sont vides, attendant ces cortèges rougeoyants qui tout à l'heure disperseront leur fracas syndical en serpentant de places en places.
Tout se réveille après midi.
Le boulanger maghrébin du cours de la Marne se presse autour de ses baguettes de campagne, hâté par un client retardataire. En veste bleue et galure de circonstance, le vendeur d'huîtres range ses casiers, à l'angle de la rue saint Vincent de Paul. Un gamin qui avait voulu profiter de son parrainage passif, tente de redonner belle allure à des brins de muguets qui se flétrissent dans le papier alu qu'il serre trop fort entre ses poings. Une vieille dame en veste rose passe en courbant l'épaule sous le poids de son cabas, sans se soucier du vent qui décoiffe sa mise en plis un peu passée.
Je me souviens du 1er mai et de ce qu'il signifie, ici.
Je me souviens que le travail est un mot dont l'origine signifie "instrument de torture".
Je me souviens que le travail peut être vicié, vicieux, et pas du tout synonyme de dignité, en pensant à Henry Ford, le bel inventeur du travail à la chaîne, l'ami américain du petit Adolf...
Je me souviens qu'il y en a qui ont fait le choix de ne pas travailler, et c'est un point de vue respectable.

Merci M. Chaplin.