Les (basses) manoeuvres (2)
Le malaise des historiens : Ils craignent que la recherche sur l’immigration ne soit inféodée au pouvoir.
Nicolas Sarkozy tente-t-il de créer des think-tank de droite avec des chercheurs à sa botte sur les questions d’immigration et de colonisation?
Nicolas Sarkozy tente-t-il de créer des think-tank de droite avec des chercheurs à sa botte sur les questions d’immigration et de colonisation?
La prochaine inauguration d’un Institut d’études sur l’immigration et l’intégration et d’une Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie suscitent une forte émotion dans les milieux scientifiques. Une pétition contre la création de l’Institut circule, coordonnée par Patrick Simon, chercheur à l’Institut national d’études démographiques (Ined), et devait être rendue publique la nuit dernière. D’autres universitaires, dont l’historien Gilles Manceron, réfléchissent à une «prise de position des milieux scientifiques» sur la Fondation.
Point commun entre les deux projets? «On assiste à une reprise en main de la droite en général et du gouvernement en particulier dans le domaine de la production de recherche sur les questions d’immigration, d’intégration, de mémoire et d’histoire de la colonisation, analyse Patrick Simon. Le gouvernement fonde les décisions qu’il prend sur des diagnostics, et il est important pour lui que ces diagnostics soient partagés par la communauté scientifique.»
Point commun entre les deux projets? «On assiste à une reprise en main de la droite en général et du gouvernement en particulier dans le domaine de la production de recherche sur les questions d’immigration, d’intégration, de mémoire et d’histoire de la colonisation, analyse Patrick Simon. Le gouvernement fonde les décisions qu’il prend sur des diagnostics, et il est important pour lui que ces diagnostics soient partagés par la communauté scientifique.»
Or, en matière d’immigration notamment, les chercheurs contestent certains diagnostics gouvernementaux, comme le fait que la France accueillerait plus de migrants que les autres pays.
Le gouvernement lance-t-il la contre-attaque avec ces deux projets? Concernant la Fondation, il est trop tôt pour le savoir. Certes, la création de cette instance figurait dans la loi de février 2005. Une autre disposition de ce texte, incitant les programmes scolaires à reconnaître le «rôle positif de la présence française outre-mer», avait provoqué une mobilisation du monde de la recherche, contraignant Jacques Chirac à retirer cet article. Mais la Fondation, elle, est restée. Dans un discours prononcé le 25 septembre lors de la Cérémonie d’hommage national aux harkis, François Fillon a annoncé sa création pour 2008. Pas plus de détails si ce n’est une allusion à des «historiens indépendants».
Le gouvernement lance-t-il la contre-attaque avec ces deux projets? Concernant la Fondation, il est trop tôt pour le savoir. Certes, la création de cette instance figurait dans la loi de février 2005. Une autre disposition de ce texte, incitant les programmes scolaires à reconnaître le «rôle positif de la présence française outre-mer», avait provoqué une mobilisation du monde de la recherche, contraignant Jacques Chirac à retirer cet article. Mais la Fondation, elle, est restée. Dans un discours prononcé le 25 septembre lors de la Cérémonie d’hommage national aux harkis, François Fillon a annoncé sa création pour 2008. Pas plus de détails si ce n’est une allusion à des «historiens indépendants».
Pour l’Institut, les intentions du gouvernement sont plus précises. Parmi les points qui inquiètent les chercheurs, le fait que cette instance soit créée par le Haut conseil à l’intégration, dont le président est nommé par le Premier ministre. C’est d’ailleurs Brice Hortefeux qui «procédera à [l’]installation officielle» de cet institut, lundi prochain.
Autre souci: sa présidente est l’historienne et académicienne Hélène Carrère d’Encausse, qui s’était fait remarquer en associant les émeutes en banlieue de l’automne 2005 et la polygamie. Enfin, des chercheurs figurant dans la liste des membres du Conseil scientifique affirment ne pas avoir donné leur accord. Ainsi, Elikia M’Bokolo, directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en sciences sociales (EHESS) ou Paul Schor, maître de conférences à Paris X-Nanterre.
François Guéry, secrétaire général du HCI, ne voit pas où est le problème: «Nous sommes rattachés au Premier ministre, c’est normal qu’il confie l’inauguration de cet institut au ministre qui s’occupe de l’intégration»; «Les chercheurs sont libres, poursuit-il, je n’ai jamais vu un chercheur ne pas être libre». Pour lui, le rôle de l’Institut sera de présenter des préconisations au gouvernement: «On va par exemple regarder comment les immigrés eux-mêmes planifient leur intégration, quel est leur souhait, leur stratégie . Il ne faudrait pas qu’une immigration mal agencée vienne mettre en cause le régime républicain. Il peut y avoir des ennemis de la République qui s’arrogent tous les moyens pour mettre les institutions en danger». La présence de Carrère d’Encausse? «C’est quelqu’un d’absolument respectable. Certains ont mis en avant des déclarations, mais qui n’en a pas fait?»
La rentrée des chercheurs s’annonce donc chargée. D’autant qu’ils ont un troisième sujet de préoccupation: l’ouverture, le 10 octobre, de la Cité nationale de l’Histoire de l’Immigration. Huit intellectuels avaient démissionné de son Comité d’Histoire, avant l’été, pour protester contre la création d’un ministère dont l’intitulé associe «immigration» et «identité nationale». En précisant qu’il ne s’agissait pas d’une remise en cause du projet lui-même, piloté par Jacques Toubon. Ils craignent que la Cité ne pâtisse de ces polémiques, y compris celles entourant le projet de loi Hortefeux sur la maîtrise de l’immigration. Au risque d’ajouter à la confusion, selon eux, la Ligue des droits de l’homme appellerait à une manifestation contre la politique d’immigration de Sarkozy devant la Cité, le jour de l’ouverture. Ces huit chercheurs préparent un communiqué rappelant leur soutien à ce musée.
François Guéry, secrétaire général du HCI, ne voit pas où est le problème: «Nous sommes rattachés au Premier ministre, c’est normal qu’il confie l’inauguration de cet institut au ministre qui s’occupe de l’intégration»; «Les chercheurs sont libres, poursuit-il, je n’ai jamais vu un chercheur ne pas être libre». Pour lui, le rôle de l’Institut sera de présenter des préconisations au gouvernement: «On va par exemple regarder comment les immigrés eux-mêmes planifient leur intégration, quel est leur souhait, leur stratégie . Il ne faudrait pas qu’une immigration mal agencée vienne mettre en cause le régime républicain. Il peut y avoir des ennemis de la République qui s’arrogent tous les moyens pour mettre les institutions en danger». La présence de Carrère d’Encausse? «C’est quelqu’un d’absolument respectable. Certains ont mis en avant des déclarations, mais qui n’en a pas fait?»
La rentrée des chercheurs s’annonce donc chargée. D’autant qu’ils ont un troisième sujet de préoccupation: l’ouverture, le 10 octobre, de la Cité nationale de l’Histoire de l’Immigration. Huit intellectuels avaient démissionné de son Comité d’Histoire, avant l’été, pour protester contre la création d’un ministère dont l’intitulé associe «immigration» et «identité nationale». En précisant qu’il ne s’agissait pas d’une remise en cause du projet lui-même, piloté par Jacques Toubon. Ils craignent que la Cité ne pâtisse de ces polémiques, y compris celles entourant le projet de loi Hortefeux sur la maîtrise de l’immigration. Au risque d’ajouter à la confusion, selon eux, la Ligue des droits de l’homme appellerait à une manifestation contre la politique d’immigration de Sarkozy devant la Cité, le jour de l’ouverture. Ces huit chercheurs préparent un communiqué rappelant leur soutien à ce musée.
Source : Libération http://www.liberation.fr/actualite/societe/281996.FR.php
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