lundi 1 octobre 2007

Les manoeuvres du ministère AMER

Immigration : Hortefeux fait main basse sur la recherche
Par
Rue89

Des chercheurs ont déjà claqué la porte du futur Institut d'études sur l'immigration et l'intégration, installé sous son égide.

Petite tempête dans le milieu universitaire: un Institut d'études sur l'immigration et l'intégration (IEII), créé par le Haut conseil à l'intégration, sera installé le 8 octobre. Or, si le Haut conseil à l'intégration dépend de Matignon, ce n'est pas François Fillon qui installera l'Institut la semaine prochaine, mais le controversé ministre de l'Immigration, de l'Intégration et l'Identité nationale, Brice Hortefeux.
Pour le service communication du Haut conseil à l'intégration, la raison en est simple: "C'est Hortefeux qui installe parce que c'est le principal concerné. Lorsque l'Observatoire statistique de l'immigration et de l'intégration, a été installé (en 2004), c'était Jean-Louis Borloo, alors à l'Emploi, qui s'en était chargé."
Pourtant, le fait que le nouveau think-tank passe de facto sous l'égide -en tout cas symbolique- de Brice Hortefeux n'a rien d'anodin pour bon nombre de chercheurs initialement impliqués dans le projet. C'est le cas, par exemple, de Benjamin Stora. Contacté il y a quelques mois, il a d'abord donné son accord, avant de prendre ses distances avec le projet lorsqu'il a su que l'Institut serait inauguré au ministère de l'Immigration.
C'est un professeur de sociologie politique de Paris I, Jérôme Valluy, qui, sur la base d'un communiqué du 19 septembre annonçant la création de l'IEII, a lancé l'alerte. Dans une série de mails envoyés à un vaste carnet d'adresses, il brocarde l'absence de nombreux spécialistes de la question, mais dénonce surtout le "contrôle politique de la production des savoirs", "de serviles enrôlements académiques au service des pouvoirs en place quels qu'ils soient" et "la négation collective par les engagés de l'idée même d'indépendance de la recherche".
Certains intéressés ont toutefois peu goûté cette campagne, à l'instar de Benjamin Stora: "J'ai reçu des centaines de mails d'insulte! Je n'y vais pas dans ce groupe de travail. J'ai été contacté une première fois et j'avais donné mon accord. Mais quand j'ai appris qu'il y avait du Hortefeux dans le coup, j'ai refusé. Point."
Jean-Luc Richard, socio-démographe à Rennes I et "jospiniste", affirme carrément qu'il a appris par Jérôme Valluy qu'il était membre du nouvel institut. Sans avoir jamais été contacté par les pouvoirs publics. Il explique qu'il n'a "jamais reçu d'invitation" et qu'il ne se rendra pas à l'inauguration par Brice Hortefeux s'il y était invité. Pour lui, le patronage de ce ministère relève de la "provocation", même s'il se distancie de ceux qui voient "un think-tank sarkozyste" dans l'IEII. Il estime que l'absence de chercheurs, y compris de gauche, qui défendent les statistiques ethniques ou les quotas, invite à nuancer l'alarmisme très viral de Jérôme Valluy.
Du côté du futur Institut, le malaise est certain. Le jeu de chaises musicales des historiens ayant fuité, on craint la mauvaise publicité faite par ces départs: "Il y a des discussions prévues avec Benjamin Stora", a-t-on affirmé à Rue89. Nous confirmons que l'historien ne rejoindra pas l'Institut d'études sur l'immigration et l'intégration. Pour l'heure -nous attendons toujours la liste définitive-, les seules certitudes concernent la direction de ce groupe de travail: Hélène Carrère d'Encausse en sera la présidente et Gilles Kepel l'animateur principal.
Alors que la Cité nationale de l'histoire de l'Immigration ouvrira elle aussi officiellement ses portes la semaine prochaine, le tollé autour des nominations du nouvel institut fait désordre. De quoi faire regretter aux services de Brice Hortefeux d'être passés en force. Alors même que cette nouvelle initiative pourrait bien avoir eu pour but de calmer le jeu entre universitaires et gouvernement sur l'immigration. Gérard Noiriel, qui fait partie des chercheurs ayant claqué la porte de la Cité de l'immigration suite à la création d'un ministère "de l'Identité nationale", révèle avoir été démarché par Blandine Kriegel "dès le mois de juin" pour rejoindre le nouvel Institut. Même après la bronca à la Cité. Une "offensive assez insistante" à laquelle il a opposé une fin de non recevoir.
Chloé Leprince et Zineb Dryef

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