samedi 12 décembre 2009

Esprit de Noël est-tu là?

Ha mon Dieu, les grandes réjouissances se préparent à coup de tartines de foie gras, de coupes de champagne et de guirlandes clignotantes aux balcons de ma résidence...
J'ai bien envie de faire un billet purement gratuit et inutile, histoire de déverser ma verve acerbe dans un espace public et de me faire mousser en ces lieux de gloriole webesque éphémère autant que vaine...
En revenant de chez le coiffeur, j'ai traversé une place pour me rendre dans un fast-food notoire sans mauvaise conscience, en oubliant que la semaine dernière j'avais acheté du chocolat sans OGM pour aider une coopérative paysanne de la Terre de Feu.
Sur la place un mini-attroupement: quelques gonzos en blousons noirs vaguement militaires avec des keffiés élimés autour du cou et quelques nénettes en baggys avec des tresses et des bonnets péruviens made in H&M, se traînaient là, qui tenant une banderole "Fermons les centres de rétention!", qui tapant sur l'inévitable djembé révolutionnaire, qui gueulant dans un porte-voix de courte distance "RDV à la place machin bidule pour retrouver le collectif des sans-papiers". Ils étaient si peu nombreux que je me suis demandée comment ils faisaient pour ne pas se sentir ridicules? Je suis entrée dans le fast-food en méditant de sombres pensées sur l'alter-mondialisme du samedi après-midi avant les partiels de janvier...
Un peu plus tard, une fois ma dose de mauvais cholestérol nimbée de ketchup engloutie, je me suis faufilée par une rue transversale pour rentrer plus rapidement chez moi (autrement dit j'ai emprunté un raccouci). Et c'est là que je LES ai vus. ILS étaient là. Bien emmitouflés dans leurs vestons capitonnés, bien au chaud dans leurs bottines fourrées, bien à l'abris sous leurs cache-nez: les cathos.
Les cathos me sont tombés sur le râble au détour du chantier de mon quartier en rénovation, et encore une fois de plus je me dis "Mais pourquoi moi commandant Cousteau?".
De loin j'avais calculé ce groupe de vieux avec des papelards dans les mains, en me demandant ce qu'ils pouvaient bien tracter, parce qu'ils n'avaient rien à voir avec les apprentis rebelles croisés auparavant.
Et inévitablement une vieille bien coiffée avec son serre-tête dans les cheveux, a pris contact avec ma pomme. Faut dire qu'il n'y a rien de tel que les gens de droite ou les cathos pour aller au contact, faut leur reconnaître ça, ils sont motivés et ils foncent.
J'ai décidé de la jouer cool et d'appliquer mes grands principes de tolérance attitude. La vieille m'a filé son papier en m'invitant la messe de Noël à l'église du quartier et je lui ai répondu avec mon plus beau sourire, qu'elle était bien gentille, mais que je n'étais pas croyante et que donc je n'allais pas à l'église.
Stupéfaction! Choc! Incrédulité! se sont tour à tour dessinés dans son regard et sur le visage du type qui l'accompagnait. Je ne les aurais pas étonnés davantage en marchant sur la Garonne ou en multipliant mes tickets de tram. Le type m'a questionnée, n'en revenant pas "Vous n'êtes pas croyante du tout?". Je lui ai dit que non, que j'étais athée et totalement convaincue de l'inexistance de qui que ce soit ou quoi que ce soit.
Ils ont commencé à me taper la tchatche, et le gonze a voulu savoir en quoi je croyais. Je lui ai dit que je croyais en l'Homme, en l'entraide et en la solidarité humaine en dehors de toute intervention divine. Il était scié. Il m'a dit que tout de même ça devait être dur parce qu'après la mort, alors, il n'y a plus rien (sic). Je lui ai dit que ça ne me dérangeais pas, que je pensais que nous étions "de passage" (et toc) sur cette terre, que c'était ce que disait la Bible d'une certaine façon (re toc) d'après ce que je me souvenais de l'Evangile de Saint Jean (et re re toc). Le type a ouvert la bouche comme un poisson hors de l'eau, la nana m'a fixée comme si j'étais une extra-terrestre.
Je les ai achevés en leur disant que de toute façon croyants ou pas, il n'y avait aucune raison que nous ne soyions pas tous unis et solidaires pour rendre ce monde meilleur. A quoi ils ont obtempérés en opinant fortement de la tête avec de grands sourires sympas en me disant que oui que oui que oui sans trouver autre chose, car ils ne s'attendaient pas à ce qu'une mécréante comme moi leur sorte leurs propres arguments! Ha! Ha! C'est imparable!!!! Je suis démoniaque.
J'ai profité de leur manque de réaction pour tracer et me réfugier dans l'entrée de mon immeuble.
Et là, rebelotte, je tombe sur une autre équipe du staff cathos-missionnés-de-dieu-au-sourire-sympa: putain ils avaient stratégiquement investi tout le quartier!!!!
Dans le hall c'était la pagaille, car mes deux voisines du quatrième étage avaient récupéré des étagères balancées par d'autres habitants des immeubles neufs qui viennent d'être aménagés (vous suivez?). Bref il fallait slalommer entre les étagères, les voisines et les deux cathos femelles pour parvenir à l'ascenseur. Et grâce à ma grande chance, j'y suis montée avec les deux cathos, dont l'une me tenait le crachoir pour sa messe en souriant de toutes ses dents. J'ai encore gentiment refusé, et en arrivant à mon étage, comme elle me parlait encore des meubles que mes voisines avaient récupérés, et que c'était bien, et que c'est bête de jeter etc etc, je lui ai dit que tout allait bien, puisque l'esprit de Noël soufflait sur la résidence! Alors elle m'a dit que je ne pouvais pas dire mieux, que j'avais tout parfaitement compris et que je devais en savoir des choses en fait (sous entendu malgré le fait que tu sois une pauvre hérétique qui brûlera en enfer après ta mort). Sur quoi je lui a dit que oui, et je me suis précipitée dans mon appart'.
Là, j'ai regardé mon chat, et j'ai mesuré l'effort infernal de tolérance que je venais de faire face à cette attaque de cathos. Ouaip, j'avais relevé le défi, réussi l'épreuve envoyée par le ciel grisâtre de ce jour de décembre, j'avais fait face à la tentation et résisté à la débauche de paroles incendiaires qui viennent d'habitude à mon esprit malsain en ces circonstances.
C'est que je suis maline. Oué je t'ai eu dieu, dans ta face mec!
Maintenant je me dis que je devrai fonder une secte et que ça a des chances de devenir très lucratif surtout avec ma super devise "tolérance attitude" imprimée en blanc sur des tee-shirts bleu-ciel. Mais bon tous ces gens avec ce sourire sympa figé, ça me file la gerbe à force, alors je ne sais pas si je tiendrai la distance. En tous cas je ne tiendrai pas aussi longtemps que le pingouineau!

12 commentaires:

  1. Jamais croisé de cathos, moi, uniquement des Témoins de Jéhova...
    Mais quand je dis à tout ce petit monde qu'étant parpaillot, je dialogue en direct avec Dieu sans avoir à me voiler la face, ça les calme...
    Pis même que je suis fils de pasteur, mais rassure-toi, je me soigne ;o)

    RépondreSupprimer
  2. Je t'applaudis des deux pieds! Tu as appliqué un principe chrétien tout simple finalement .... Mais tous les cathos ne sont pas aussi chrétiens que toi et moi, ça c'est sûr !

    RépondreSupprimer
  3. @Philémon: que la paix de Noël soit avec toi et ta famille cher lecteur :-)
    J'ai cru un moment que ces gens étaient des témoins de jéhova, mais non c'était des cathos normaux. Ceci dit je respecte quand même malgré un indécrottable fond d'anticléricalisme tenace. Par contre j'ai passé un an en Alsace et les protestants ne m'ont jamais pompé l'air, au contraire j'ai eu des bonnes discussions de fond avec ceux que j'ai croisés.

    @Elise: ben en fait je ne me suis pas vraiment rendue compte que j'appliquais un principe chrétien. Beaucoup des idées prêchées par les Evangiles relèvent du sens commun. Et celle de la tolérance est toujours la plus difficile à mettre en application.

    RépondreSupprimer
  4. Super article, une belle tranche de vie urbaine. C'est vrai que tu as été très gentille, d'habitude les gens sont moins patients avec les démarcheurs et autres marchands ambulants.

    RépondreSupprimer
  5. Je ne suis pas gentille, j'ai des convictions; c'est bien différent et ça me motive pour agir et parler, au lieu de me balader sur le net de façon inutile (suivez mon regard)...

    RépondreSupprimer
  6. ...please where can I buy a unicorn?

    RépondreSupprimer
  7. Il a l'air très sympa, ce blog !
    La tolérance... c'est beau, mais le respect, c'est mieux, non ? Parce que "respecter", c'est aller plus loin que "tolérer", il me semble. Mais je ne sais pas s'il vaut mieux "tolérer" ou "respecter" les dames au serre-tête ;-)

    RépondreSupprimer
  8. Respecter ou tolérer, oui, bonne question. L'un ne va pas sans l'autre sans doute.
    Mais pour ce qui est du nom de "tolérance" dans l'expression "faire preuve de tolérance envers autrui",je trouve que c'est très difficle à appliquer ou à pratiquer au quotidien. C'est toujours dans les moments où l'on s'y attend le moins qu'on est pris en défaut de notre propre intolérance. Je parle pour moi en premier.

    RépondreSupprimer
  9. Et au fait je ne sais pas où on peut acheter des licornes.

    RépondreSupprimer
  10. Finalement, tu n'as fait que donner une leçon de tolérance à un chrétien en lui appliquant sa propre recette. Belle démonstration de rhétorique cela dit, je suis scié !

    Comme quoi, on n'échappe jamais à sa civilisation. Dans la parole des Evangiles, ce genre de principes est clairement exprimée et tu as su en tirer la quintessence sans le côté religieux, mais avec l'esprit humain. Belle démonstration : tu as su intégrer le message sans la croyance, finalement vous êtes peut-être plus proches que ce tu croyais ces gens et toi ?

    RépondreSupprimer
  11. Ha oui, je ne nie pas mon côté "chrétien"!
    Je me demande quel homme/ quelle femme de bonne volonté peut se fermer à des messages tels que l'entraide, la solidarité, la tolérance etc.
    Je pense que c'est bien sûr un héritage culturel général chez moi, mais aussi la curiosité naturelle de savoir ce qui se cachait vraiment derrière le cathéchisme que nous voyions de loin et les messes auxquelles nous ne prenions jamais part, puisque non baptisées et élevées à part de la tradition catholique familiale. J'ai donc lu la Bible, d'abord dans une toute petite édition puis ensuite dans une grosse T.O.B, à la fac et celui qui nie que ce texte est passionnant commet une erreur fondamentale. D'abord parce qu'il permet de comprendre beaucoup de choses de notre civisation occidentale, ensuite parce qu'il raconte des histoires et de l'Histoire.
    C'est un texte qui invite à la critique et à la réflexion.
    Et j'ai toujours entendu chez moi que pour combattre ses adversaires il faut les écouter parler.
    Du coup, je reste farouchement anti-cléricale dans la mesure où les prêchis-prêchas de béni-ouioui m'insupportent, leur côté "je sais tout" et moralisateur à bon compte, leurs vues souvent bornées, rétrécies par des attitudes codifiées, stéréotypées, me pèsent... mais j'ai aussi en moi (et c'est le paradoxe) un intérêt pour certains principes humains et moraux qui sont issus des évangiles et en particulier de l'évangile de Saint Jean.
    Tout l'intérêt de mon paradoxe personnel réside en ce que je peux me passer de dieu et d'une croyance divine, pour appliquer des principes que je pense bons pour vivre en société. Je crois effectivement que l'on peut agir par soi-même (et c'est ce que j'ai dit au gars avec qui j'ai discuté), on peut être maître de soi, penser par soi et se gouverner soi, tout en vivant au sein de la collectivité et en acceptant ses règles de vie communes. Et pour aller au bout de ce que je pense réellement, j'ai la conviction que c'est en agissant par soi-même, en apprenant à agir de manière indépendante, autonome, sans dieu, ni maître, en tâchant d'avoir une conduite morale qui mette en application dans le quotidien les grands principes humanistes que contiennent par exemple la Bible, mais d'autres livres ou bien des idées d'autres penseurs, qu'on peut changer le monde.
    Le monde ne change pas parce que les chefs agissent. Le monde change parce que les gens, les citoyens se prennent en main, parce que les gens voient ce qui est injuste et le refusent. Je crois très fort en cela, même si dans ma vie de tous les jours, je suis loin de parvenir à appliquer cette idée.
    Mais je suis soutenue par l'expérience: regardez la marche pour les droits civiques, le parcours de Gandhi, les manifestations contre la guerre au Vietnam ou les restos du coeur; et je suis soutenue par des lectures celle d'Howard Zinn récemment qui montre dans un ouvrage de quelle façon les gens, lorsqu'on les informe correctement sur le plan politique, ouvrent les yeux, et ne laissent pas faire des injustices.
    C'est pour moi une réelle conviction qui me donne un but, qui me sert de guide. Ainsi le paradoxe est achevé pour l'athée qui a besoin de croire à quelque chose afin de donner du sens à cette vie souvent absurde.
    Mais on en est tous là, Ionesco n'a pas fait autre chose en écrivant pour le théâtre...
    En tous les cas je suis intimement persuadée que l'on a pas besoin d'avoir un chef, un dieu ou un censeur au-dessus de la tête pour agir ou pour se comporter de façon humaine.
    Et sinon, le coup d'avoir renversé les arguments des deux cathos avec leurs propres armes rhétoriques, ça fait aussi partie d'une conviction (la même en fait) qui permet de dire à ces gens "si on peut se conduire de façon "chrétienne" sans croire en dieu, alors pourquoi crois-tu en dieu?". A mon avis dieu est inutile, les religions sont inutiles, toutes ces bigotteries ne sont qu'un écran où l'on cache la peur de mourir, en restant toute sa vie attaché à des parents qui nous disent quoi faire et que penser, sans jamais devenir adultes.

    Fin du blabla.

    RépondreSupprimer
  12. C'est quand même con de venir écrire un commentaire juste pour dire que l'on est en parfait accord avec l'article que l'on vient de lire...et pourtant c'est ce que je m'apprête à faire...

    histoire de ne pas en rester là, je trouve assez "marrant" (en fait, ce n'est sûrement pas le mot qui convient) de voir que sur une courte distance, au cours d'une même journée, on tombe sur un très petit groupe de révoltés si peu organisés manifestant pour la fermeture des centres de rétention et, quelques pas plus tard, sur plusieurs groupe de cathos, stratégiquement répartis, cherchant à remplir leur église pour le soir de la naissance du petit Jésus...

    Le froid est le même, ils sont tous dehors pour défendre leur cause...
    et bizarrement, ceux qui arrêtent les passants pour balancer leur propagande et refiler leur tract...ce sont ceux qui se battent pour qu'il y ait quelques rangées de plus dans la maison de leur seigneur...
    Moi qui croyait naivement qu'on allait à la messe uniquement parce qu'on a avait vraiment envie, parce qu'on était heureux de partager avec ceux qui croient la même chose...

    Bon, je crois (en plus grand chose) que je vais m'arrêter là)

    RépondreSupprimer